Santé des plantes vs. santé des humains
samedi 15 février 2020 -
Intégrer la santé des végétaux dans « One Health »Publié le 12 février 2020 par Marie-Cécile DAMAVE
Le 28 janvier 2020, l’Académie d’Agriculture de France a organisé un colloque intitulé « Santé du végétal, une seule santé et un seul monde », en partenariat avec les Amis de l’Académie d’Agriculture, le Domaine d’Intérêt Majeur « One Health » de la Région Ile de France, l’Académie Nationale de Pharmacie. Ce colloque s’est tenu dans le cadre de l’ « Année internationale de la santé des végétaux » proclamée par la FAO pour 2020.
Agridées était associé à cet événement pour animer la table ronde « Science et santé au cœur du concept One Health ». De nombreux arguments ont été émis en faveur de l’intégration de la santé des végétaux à ce concept, qui ne lie jusqu’à présent que la santé des humains et celle des animaux[1].
Lors de cette journée, les échanges ont montré que la santé des végétaux est en fait le premier maillon de la chaîne alimentaire qui contribue à la bonne santé des humains.
Tout d’abord, préserver la bonne santé des plantes cultivées permet de répondre quantitativement aux besoins alimentaires des humains : les techniques de protection de la santé des plantes permettent d’éviter la perte de rendement causée par les ravageurs. On estime que 35% de la production agricole mondiale disparaîtrait si l’agriculture n’utilisait plus de produits de lutte contre les insectes, les maladies fongiques et les adventices.
Ensuite, la santé des plantes et celle des humains ont des liens qualitatifs par la voie alimentaire. Les techniques de biovigilance pour la santé des végétaux permettent d’éviter les dégâts sanitaires chez les humains. Par exemple, l’ergot du seigle contient des alcaloïdes toxiques qui peuvent se retrouver dans le pain. Autre exemple, le datura est une adventice toxique dont les graines ont été retrouvées dans des farines, causant des intoxications alimentaires chez les humains qui les ont ingérées.
De plus, certains ennemis des plantes provoquent des maladies chez les humains par d’autres voies que l’alimentation. Par exemple, la chenille processionnaire du pin a des propriétés urticantes, et l’ambroisie est une adventice qui provoque des allergies respiratoires.
Enfin, si la présence de végétaux dans l’environnement des humains peut contribuer à leur bien-être (réduction du stress, restauration cognitive, stimulation de liens sociaux), elle génère parfois aussi des peurs (insécurité nocturne dans les bois et les jardins publics), et de nouveaux risques sanitaires (présence d’insectes nuisibles pour les humains tels que les tiques ou les guêpes, de pollens allergènes). Elle doit donc être maîtrisée : en taillant les arbres pour que les branches ne causent pas de dégâts en tombant et en gérant les maladies des végétaux décoratifs tels que la pyrale du buis ou le charançon rouge du palmier notamment.
En démontrant que la santé et le bien-être des humains dépend, entre autres, de l’état de santé des végétaux, ce colloque a souligné l’importance de soigner les plantes, et en particulier celles qui sont cultivées à des fins alimentaires. Plusieurs intervenants ont souligné l’intérêt des approches combinatoires associant progrès génétique, produits de santé des plantes (qu’ils soient biosourcés ou issus de la chimie de synthèse), outils numériques de l’agriculture de précision, et techniques agronomiques pour gérer les risques sanitaires des plantes cultivées. Certains ont proposé de surveiller de plus près la santé des plantes cultivées dans les exploitations agricoles. La plupart des intervenants ont considéré qu’il était essentiel de mieux dialoguer avec le public sur le bien-fondé des pratiques de protection des plantes, souvent dénoncées dans les médias lorsqu’il s’agit d’épandage de produits phytosanitaires, en montrant que bien soigner les plantes contribue à la bonne santé des humains.
[1] Le concept « One Health », traduit en français par « Une seule santé », est né dans les années 2000. Il est porté par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation Internationale des Epizooties (OIE) et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation). Ce concept fait la promotion de l’interdisciplinarité entre spécialistes de la santé des humains et celle des animaux. En effet, ceux-ci partagent parfois les mêmes pathogènes (grippe aviaire, tuberculose). De plus, l’antibiorésistance des bactéries responsables de maladies humaines peut être gérée par un usage raisonné des antibiotiques et le développement de la vaccination non seulement en santé humaine mais également en santé animale.